Par Fred Penzel, PhD
Psychologue/Directeur exécutif, Services psychologiques Western Suffolk
Membre conseiller de la Commission scientifique et clinique de l’IOCDF *
Cet article a été initialement publié en anglais à l'édition "été 2014" de the OCD Newsletter
Traduit par Frédéric Tremblay de la Fondation OCD du Québec.
J’ai originellement écrit cette liste pour mes propres patients,et j’ai réalisé qu’elle pourrait être utile pour d’autres personnes qui commencent une thérapie contre le TOC, ou qui y sont déjà engagés. Voici mes 25 conseils pour réussir votre thérapie
1- Attendez-vous toujours à l’inattendu. Vous pouvez avoir une pensée obsessionnelle n’importe où, n’importe quand. Ne soyez pas surpris si de vieilles ou d'inédites pensées se produisent; soyez préparés à utiliser vos outils thérapeutiques n’importe où, n’importe quand. Aussi, si de nouvelles pensées surgissent, assurez-vous d’en parler à votre thérapeute pour le tenir informé.
2- Soyez prêts à accepter des risques. Le risque fait partie intégrante de la vie, et ainsi ne peut être complètement évacué. Rappelez-vous que ne pas s'améliorer est le pire des risques.
3- Ne recherchez jamais de réassurance auprès des autres ou de vous-même. Dites-vous plutôt que le pire va arriver, qu’il arrive ou qu’il est déjà arrivé (« peut-être ou peut-être pas »). La recherche de réassurance est une compulsion, peu importe comment vous la justifiez; de plus elle va supprimer tous les bienfaits acquis durant votre thérapie et empêchera de vous améliorer.
4- Essayez toujours fermement d’être d’accord avec vos pensées obsessionnelles. Ne les analysez jamais, ne leur posez jamais de question, n’argumentez jamais avec elles. Les questionnements qu’elles soulèvent ne sont pas de vrais questionnements, et il n’y a pas de vraies réponses à ceux-ci. Essayez de ne pas trop élaborer vis-à-vis elles; dites simplement que ces pensées sont vraies et réelles (« peut-être ou peut-être pas »).
5- Ne perdez pas votre temps à anticiper les pensées, ou à les ignorer. Cela aurait l’effet opposé à celui recherché, et mènera à plus de confusion. Les études ont montré que vous ne pouvez pas les arrêter ou vous en débarrasser de manière efficace; votre stratégie devrait se résumer ainsi : « Si vous ne voulez plus y penser, pensez-y encore plus!! (tolérer les pensées, permettre leur existence dans votre tête)) ».
6- Essayez de ne pas gérer vos pensées de manière « tout ou rien », ou « soit noir, soit blanc ». N’interprétez pas un échec comme une preuve que vous n’êtes plus qu’un bon à rien: si vous effectuez une compulsion, vous pouvez toujours revenir en arrière. La bonne nouvelle est que vous êtes engagé sur un long processus, et que vous aurez d’autres chances de vous reprendre. C’est normal de faire des erreurs quand on apprend de nouvelles compétences, spécialement dans un cadre thérapeutique: cela arrive à tout le monde. Acceptez-le. Même si vous vivez un gros échec, ne le laissez pas vous décourager. Rappelez-vous ce dicton : « Une chute n’est pas une rechute »; cela veut dire que vous ne retournez jamais vraiment à la case départ: pour cela, vous devriez oublier tout ce que vous avez appris à ce jour, ce qui n’est pas vraiment possible. Aussi, rappelez-vous cet autre dicton : « Ne prenez pas une seule défaite pour la défaite finale (F. Scott Fitzgerald) » et comme on dit chez les Alcooliques Anonymes : « Vous pouvez toujours recommencer votre journée ».
7- Rappelez-vous que gérer vos symptômes est votre seule responsabilité. Ne mêlez pas les autres à vos exercices thérapeutiques, sauf si votre thérapeute vous le demande. Les autres ne seront pas toujours là quand vous en aurez besoin, mais VOUS êtes toujours là pour VOUS.
8- Ne devenez pas trop impatient avec vos progrès, et ne vous comparez pas à d’autres. Tout le monde va à son propre rythme. À la place, concentrez-vous sur les exercices quotidiens, un jour à la fois. 9- Quand vous pouvez, affrontez l’anxiété, ne la fuyez pas. La seule manière d’éliminer une peur est d’y faire face. Vous ne pouvez vous enfuir de vos propres pensées, ainsi vous n’avez pas le choix de les affronter. Si vous voulez aller mieux, vous devrez faire cela.
10- Quand vous avez le choix d'affronter deux situations anxiogènes, choisissez la plus difficile des deux lorsque possible.
11- Révisez vos exercices thérapeutiques quotidiennement, même si vous pensez tous les connaître. C’est facile de les oublier, spécialement ceux que vous ne prévoyez pas faire.
12- Si vote thérapeute vous donne un exercice que vous ne vous sentez pas prêt à faire, vous pouvez lui en parler. En tant que moitié de l’équipe patient-thérapeute, vous devriez être en mesure d’avoir droit de parole sur votre thérapie. Le but est que l’exercice vous mette en situation d’exposition à l’anxiété afin de vous y désensibiliser petit à petit, non de vous en donner tellement que vous seriez obligés de faire un pas en arrière. Par ailleurs, ne craignez pas de vous donner des petits défis quand vous le pouvez.
13- N’attendez pas « le moment parfait » pour commencer vos exercices thérapeutiques. La procrastination fait partie de l’arsenal des gens atteints du TOC, alors commencez vos exercices dès que vous les avez en mains. « Le moment parfait » est quand vous avez en mains les exercices.
14- Ne soyez pas perfectionniste. Le perfectionnisme peut aussi faire partie de l’arsenal des gens atteints du TOC. Vos pensées obsessionnelles peuvent vous suggérer que si vous ne faites pas vos exercices parfaitement, vous n’irez pas mieux; si vous obsédez à ce propos, vous risquez de vous diriger vers une nouvelle compulsion. Faites attention à ne pas faire vos exercices avec la même rigidité tout le temps; de même, ne prenez pas tant de temps pour faire vos exercices que ceux-ci vous prennent la journée entière. Rappelez-vous que vous avez aussi une vie à vivre.
15- Essayer de relire vos exercices au début de chaque journée. N’assumez pas que vous les connaissez tous et que vous n’en oublierez aucun.
16- Quand vous exécutez vos exercices, soyez prudents de ne pas vous réassurer et ainsi gâcher le travail effectué jusqu’ici. Ceci peut se produire si vous vous dites des choses telles que « Ce sont seulement des exercices, et les choses que je peux dire ou faire ne comptent pas, ne sont pas réelles » ou « Mon thérapeute ne pourrait pas me dire de faire des choses qui causeraient des ennuis à moi ou aux autres » ou « Je fais seulement cela parce qu’on m’a dit de le faire, alors je ne suis pas responsable si ça tourne mal ». Ces « stratégies » peuvent gâcher tout le travail effectué à ce jour.
17- Donnez à vos exercices toute votre attention, concentrez-vous sur ce que vous faites et laissez-vous le droit de ressentir l’anxiété. Essayer de ne pas décrocher quand vous faites un exercice, de sorte que vous ne ressentiez plus d’anxiété. Les gens font parfois leurs exercices de manière routinière et automatique en guise d’évitement; de plus, ne faites pas vos exercices en même temps que d’autres activités distrayantes.Vous êtes en train de bâtir une tolérance vis-à-vis vos peurs, et pour cela vous devez faire vos exercices de manière sérieuse.
18- Quand vous faites face à un exercice particulièrement prenant, ou que vous vous trouvez devant un défi nouveau, essayez d’y voir le positif. Voyez-le comme une opportunité de devenir meilleur au lieu de dire « Ah non! Qu’est-ce que je vais faire avec ça? » À la place, dites-vous « Ça va être bon pour moi; c’est une chance de pratiquer et de devenir plus fort ».
19- Essayer de ne pas expédier vos exercices, de sorte qu'au final vous n’ayez pas à ressentir trop d’anxiété. Prenez votre temps, et comprenez tout le bien que ces exercices peuvent vous faire. Les faire le plus vite possible n’est pas l’objectif; celui-ci est plutôt de ressentir un niveau modéré d’anxiété et le tolérer pendant un certain temps.
20- Si un exercice ne vous amène pas à ressentir d’anxiété, parlez-en à votre thérapeute. Si votre exercice ne vous donne pas l’opportunité de ressentir au moins un peu d’anxiété, il ne vous aidera pas beaucoup. D’un autre côté, essayez de faire vos exercices pendant au moins une semaine avant de statuer qu’ils ne vous causent aucune anxiété; certains exercices pourront vous en causer a posteriori, et vous devrez peut-être les faire quelques fois avant que l’anxiété ne soit ressentie.
21- Il est possible que vos pensées obsessionnelles vous fassent douter du bien-fondé de vos exercices.Vos pensées peuvent vous suggérer que vous n’êtes pas dans le bon traitement, que vos exercices ne pourront pas vous aider à devenir meilleur, ou que vous ne comprenez pas ce que vous faites et qu’ainsi vous ne pourrez pas les utiliser à votre profit. Rappelez-vous que le TOC a déjà porté le nom de « Maladie du doute » et que les pensées obsessionnelles vont essayer de semer le doute dans tout ce que vous faites; pour combattre cela, vous devez être d’accord avec elles en disant « C’est vrai; je ne pourrai pas aller mieux ».
22- N’oubliez jamais que vous êtes atteint du TOC. Ceci veut dire que vous ne pourrez pas toujours vous fier à vos réactions, vos pensées, ou vos sensations, spécialement si vos pensées obsessionnelles vous suggèrent des choses extrêmes ou très négatives. Si vous n’êtes pas sûrs de vous trouver en face d’un symptôme, traitez ce qui se présente comme un symptôme; il est mieux de faire un peu trop d’exposition que pas assez.
23- Rappelez-vous que le problème du TOC n’est pas l’anxiété, mais les compulsions. SI vous pensez que le problème est l’anxiété, vous ferez plus de compulsions pour l‘éviter (ce qui créera plus d’anxiété au final). Si vous acceptez que le problème vient des compulsions, arrêtez de les exécuter, et demeurez avec l’anxiété que vous ressentez; ainsi celle-ci finira par s’en aller et vous aurez investi dans votre capacité à la tolérer.
24- Prenez toujours un moment pour être fier de vos efforts et souligner vos succès. C’est une excellente manière de nourrir votre motivation.Si vous avez des doutes que vous ne faites plus de progrès, révisez les exercices antérieurs qui ne vous mettent plus au défi.
25- De manière générale, n’oubliez jamais que le TOC est très paradoxal et qu’il est rarement facile à suivre. Les choses que vous pensiez qu’elles vous aideraient à aller mieux empirent votre cas; et les choses que vous pensiez qu’elles empireraient votre cas, sont justement celles qui vont vous aider à aller mieux.